Sol Negro - Laura Huertas Millan (2016)
Le soleil noir du titre évoque autant l’éclipse solaire que cette « bile noire » à laquelle les médecins de l’Antiquité attribuaient les pulsions mélancoliques et suicidaires dont les artistes allaient tout particulièrement souffrir et qui envahissent ici l’existence d’Antonia, chanteuse lyrique dont la beauté sombre illumine le film. Laura Huertas Millán présente, en une mise en scène pudique et elliptique, plusieurs facettes du personnage d’Antonia.
Les liens familiaux délicatement explorés ne le sont pas tant à la recherche de l’origine du mal que comme une forme d’introspection à plusieurs voix : celles de la tante, de la mère et de la fille – la réalisatrice elle-même, qui par le biais de la fiction cherche à s’arracher à la destinée familiale. Les rapports entre le corps et l’esprit, dépression et création, sont alors révélés par bribes, toujours comme un questionnement et avec un tact infini. Petit à petit, le film exhale un peu du poison qui ronge les esprits et tord les estomacs : il fait sortir doucement une mélancolie, une tristesse profonde qui semble s’échapper des corps regardés au plus près, par les mots, par le souffle, en chantant, ou en pleurant, parfois même en mangeant. Inspirer, expirer. Exercice plus difficile qu’il n’y parait.
La maïeutique à l’oeuvre se donne alors à voir à travers le parcours d’Antonia, tantôt forte et tantôt fragile, cantatrice condamnée à chanter dans un théâtre vide, tel un soleil que personne ne peut regarder en face sous peine de se brûler les yeux. (CG)